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Un Plaidoyer pour « le Cœur Invisible » des Fonds d’Investissement au moyen d’une approche de l’investissement à deux volets

Auteur(s) : Shahir Guindi, Ad. E.

Le 26 janvier 2023

Les fonds qui investissent des capitaux génèrent des emplois, des rendements économiques et, en général, de la richesse. Toutefois, ce ne sont pas tous les citoyens qui peuvent investir dans des fonds d’investissement, et encore moins les gérer. En effet, relativement très peu de Canadiens ont l’occasion d’injecter ou de recevoir des capitaux d’investissements privés sous forme de capital de risque, de capital de croissance, de capital de rachat ou encore sous forme de dette privée, etc. La grande majorité des Canadiens sont soit des observateurs de ces flux d’argent ou n'en ont pas conscience. La prospérité et les perspectives de ceux qui se trouvent à l’intérieur du cercle des capitaux qui circulent augmentent, tandis que celles des personnes qui ne s’y trouvent pas stagnent ou déclinent.

Nos réserves de capital-investissement peuvent jouer un rôle très important non seulement dans la création de richesse, dans la croissance économique et dans la prospérité, mais aussi dans l’atténuation de certains des problèmes de la société moderne. Une approche de l’investissement à deux volets peut produire d’excellents rendements tout en s’attaquant à certains des problèmes qui affligent notre société.

Nous assistons à des défis majeurs dans nos collectivités. Il n’est pas difficile d’observer des enjeux sociaux importants : le taux croissant de violence armée, l’inaccessibilité du logement, un système de santé à risque, l’augmentation de l’itinérance et de la pauvreté n’en sont que quelques exemples. L’augmentation simultanée de la richesse et des troubles sociétaux est alarmante.

En 1776, dans son livre The Wealth of Nations, Adam Smith, le père de l’économie moderne a écrit à propos de la désormais célèbre « main invisible » des marchés. C’est une référence à la manière dont le marché libre, sans intervention gouvernementale ou autre, atteindra des équilibres et avantages décents pour la société. Cette main invisible a gouverné la société occidentale jusqu’à présent. Beaucoup ont été laissés pour compte. Il est temps de trouver « le cœur » du marché! 

Sir Ronald Cohen, un financier britannique, cofondateur d’Apax Partners (un fonds de capital-investissement qui a levé plus de 60 milliards américains) plaide pour un capitalisme plus percutant et vertueux. Comme le titre de son livre paru en 2020 Impact : Reshaping Capitalism to Drive Real Change l’indique, il pense que le moment est venu d’apporter des changements importants à nos moteurs économiques. M. Cohen utilise le terme « le cœur invisible » des marchés. Et c’est peut-être exactement ce qui nous manque : un milieu des affaires ou un secteur de l’investissement plus percutant et plus compatissant. 

L’ESG (environnement, société, gouvernance) est un mécanisme de «défense » visant à réaliser des investissements qui ne nuisent pas à la société. Les entreprises sont d’ailleurs davantage sensibilisées et de plus en plus investies dans ces initiatives. Leur objectif est de s’assurer que l’entreprise ne se livre pas à des activités qui rendront notre société pire qu’elle ne l’est. Toutes les démarches vers la prophylaxie que représente l’ESG sont les bienvenues. Nos fonds d’investissement sont de plus en plus conscients des problèmes liés à la conformité ESG et ont intégré les facteurs environnement, société et gouvernance dans chaque aspect de leurs opérations - vérification diligente, déclarations et garanties et même les clauses restrictives - pour garantir une meilleure conformité aux normes. Les fonds d’investissement ont été parmi les premiers à faire pression pour que leurs investissements et sociétés de portefeuille respectent les normes ESG. C’est une excellente chose. Mais ne pas faire le mal ne suffit pas. Je ne parle pas de défense. Je veux parler d’offensive!

En 2019, l’OCDE a publié L’initiative de l’OCDE sur l’investissement à impact social. Selon elle, « l’investissement à impact social fournit des financements aux organisations répondant à des besoins sociaux et/ou environnementaux dans l’attente explicite d’un rendement social et financier mesurable ». 

Que faisons-nous en tant que gestionnaires (et investisseurs) de capitaux privés ou chefs d’entreprise dans ce pays pour le rendre meilleur? Pouvons-nous investir d’une manière qui à la fois offre des rendements économiques et participe au bien commun?

C’est ce que nous appelons l’action positive de l’investissement à impact social. Il s’agit d’un investissement destiné à faire le bien; un investissement destiné à rendre notre société meilleure; un investissement qui est motivé non seulement par des rendements économiques, mais aussi par un impact positif sur la société.

Pensez par exemple à la microfinance, à l’environnement, à l’eau potable, à la réhabilitation des criminels, aux soins de santé, à la réduction de la pauvreté et du sans-abrisme, à la réduction des taux de criminalité, à la réconciliation avec les Peuples autochtones, à la construction d’écoles et à tout ce qui contribue à rendre notre monde meilleur, au-delà du rendement économique. Il s’agit d’un argument en faveur d’un investissement qui va au-delà de l’argent et qui vise à faire plus de bien au sein de la société. 

La main invisible a dominé les marchés pendant des décennies. Ce serait merveilleux que le cœur invisible y participe dorénavant. Dans ce monde, dans notre pays et dans notre province où il y a tant de richesses, nous devons désormais investir avec le double objectif de rendement et de « bien ». L’expression « profits avec un but » qui a déjà été utilisée, rend parfaitement cette idée : rechercher un profit qui est mesuré par un impact social.

Selon Larry Fink, PDG de BlackRock, une société mondiale de gestion d’investissements [traduction] « le but n’est pas la seule poursuite des profits, mais la force motrice pour les atteindre. Les bénéfices ne sont en aucun cas incompatibles avec le but – en fait, les bénéfices et le but sont inextricablement liés ». 

Plusieurs entreprises l’ont déjà fait dans le monde: The Rise Funds, parrainé par l’un des meilleurs groupes de capital-investissement au monde, à savoir TPG Capital, dispose de 13 milliards américains d’actifs sous gestion investis dans « le bien ». 

Les entreprises qui s’engagent activement dans l’investissement à impact social devanceront très bientôt tous leurs concurrents motivés uniquement par le rendement économique. Clients, fournisseurs et employés garantiront ce résultat! Les entreprises à impact négatif seront perdantes!

En effet, nous pouvons injecter du capital de manière à gagner de l’argent, beaucoup d’argent! Mais nous serions tous mieux lotis si, tout en gagnant de l’argent, nous faisions de notre pays un endroit meilleur pour tous, et pas seulement pour ceux qui ont le privilège et la chance de gérer et bénéficier du capital. Tous les fonds de capital-investissement et de risque, les organisations du secteur public (y compris les caisses de retraite), quelle que soit leur taille, quelle que soit l’étape où ils en sont, qu’ils investissent dans des titres de créance ou des capitaux propres, peuvent contribuer à cet effort et en tirer des bénéfices transformationnels et générationnels.